A Vetis, un programme PHC exclusivement tourné vers les femmes à la rue

Posté par convergence 26 février 2024

A Vetis
un programme PHC exclusivement tourné vers les femmes à la rue

A Strasbourg, le chantier d’insertion Vetis fait partie depuis 2022 du collectif de chantiers porteurs du programme CVG. Il porte également depuis 2023 le programme PHC, avec une spécificité : le chantier a fait le choix de recruter uniquement des femmes.

Créé en 2004 autour d’un cœur d’activité de recyclage textile (collecte et travail du textile, chaussures, linge de maison), l’ACI a également rouvert un atelier de couture labellisé Refashion. 

Le chantier est engagé dans la recherche de solutions de réutilisation des fibres textiles pour réduire la destruction des textiles inutilisés, qui sont aujourd’hui en grande majorité brûlés ou enfouis. Vetis est aussi fondamentalement engagé dans l’accompagnement des personnes en parcours d’insertion, avec une volonté d’aller vers les personnes les plus précaires. 

Entretien avec Fabienne Massenya, directrice de Vetis.

PHC au féminin

 Le programme PHC a pour objectif de proposer à des personnes en situation de rue (rue, squat, campement, hébergement non stabilisé chez des tiers…) une remobilisation progressive par l’activité en chantier d’insertion. L’activité est envisagée comme le premier levier de remobilisation de la personne, qui va lui permettre, par l’individualisation de l’accompagnement et la progressivité du volume d’activité, de se rapprocher de l’entrée en contrat « classique » d’insertion en ACI. Le travail de l’éducateur.rice socio-professionnel.le, en lien avec le référent social de la personne, est central. PHC doit permettre d’accompagner 10 personnes en file active par an, soit une vingtaine de parcours lors que le programme est bien installé.

Vetis s’est engagé dans la mise en œuvre de PHC avec un parti pris initial fort : réserver le programme aux femmes en situation de rue du territoire. Un public qui souffre d’autant plus de l’invisibilité et de la peur constante liée aux conditions de vie à la rue. « Il faut le vivre pour comprendre », souligne Fabienne Massenya, directrice de Vetis.

Un an après l’accueil des premières salariées PHC, « nos partenaires sont contents car c’est une proposition unique sur le territoire. Ils avaient une crainte initiale de ne pas avoir assez de candidates, mais aujourd’hui (en octobre 2023) nous avons déjà accueilli 10 personnes, et 2 sont en attente d’entrer sur le programme ».

Le chantier s’est donc rapproché des structures en contact avec le public de rue féminin du territoire : centres d’hébergement d’urgence pour femmes, les structures d’accueil orientées addictions…

L’activité proposée aux salariées PHC doit permettre de se dégager de toute contrainte de productivité, pour permettre à l’éducatrice de prendre le temps de l’accompagnement de chaque salariée. Il est important de pouvoir créer un lieu et une temporalité d’accueil protégé, qui offre à la personne la possibilité de trouver ses repères, de reprendre confiance et retrouver un rythme. A Vetis, « elles sont un peu à part, mais pas trop, et pas trop longtemps » indique Fabienne Massenya. Au fur et à mesure du parcours, de l’augmentation du nombre d’heures hebdomadaires, les salariées sont progressivement associées à l’activité principale du chantier. Ainsi dès 12h, elles travaillent avec les salarié.e.s au tri, ce qui donne la possibilité d’un dialogue avec toute l’équipe, et d’une progression dans le parcours.

L’objectif de la fin des parcours PHC est d’arriver à stabiliser la personne en travaillant la suite du parcours d’insertion en ACI, pour les personnes qui le souhaitent et en sont capables.  A ce jour, une salariée est allée au bout de son parcours PHC en intégrant l’équipe du chantier de Vetis, « c’est une grande joie pour toute l’équipe ! » confie Fabienne Massenya. « L’objectif n’est pas forcément qu’elles restent à Vetis même si c’est tentant. Mais l’accompagnement et le réseau PHC strasbourgeois sert à leur donner envie de s’orienter vers quelque chose qu’elles aiment. Une personne pourrait aller à Emmaüs Mundo (autre chantier du collectif strasbourgeois). Savoirs et compétence intégrera PHC début 2024, ce qui est bien pour créer des passerelles entre les programmes PHC du territoire. On pourra orienter les personnes vers d’autres supports PHC si ça ne matche pas sur le chantier vis-à-vis du support que l’on travaille »

« On n’est pas rentrés dans Convergence par hasard »

« Depuis plusieurs années, nous avons pris conscience qu’il fallait changer les modes d’accompagnement en chantier d’insertion, car les enjeux sociétaux ne sont plus les mêmes.

L’innovation sociale que l’on essaie de mettre en œuvre est liée à la nécessité aujourd’hui de tout faire en même temps : un travail de fond à la fois sur la motivation de la personne, et sur tous les blocages et freins qu’elle rencontre. La motivation de la personne est selon moi le plus dur à travailler, nous sommes souvent à la recherche de moyens (par exemple le sport) pour la réveiller.

Pour nous, permanents du chantier, cela impose d’être à l’écoute, flexible, de se remettre en question. Il faut pouvoir organiser un accompagnement pluridisciplinaire : nous travaillons en binôme CIP + ETI sur les recrutements, et ce binôme entoure la personne tout au long de son parcours.

Force est de constater que les 2 ans de parcours d’insertion sont de moins en moins suffisants pour bien accompagner les salarié.e.s en insertion avec nous. On a donc eu besoin d’aller chercher plus d’accompagnement, que l’on a trouvé avec CVG. C’est très intéressant pour nous : on peut bénéficier d’un renfort d’accompagnement sur le chantier, être appuyé dans l’accompagnement des salariés sur des recherches de logement, sur des démarches de santé. On a la possibilité d’avoir Agnès, qui est psychologue et chargée de partenariat santé dans l’équipe Convergence Strasbourg. Elle rencontre les salarié.e.s, ce qui permet de croiser les regards et d’identifier les points de vigilance, les fragilités. Car 90% des personnes en parcours ont des problèmes psy.

L’engagement de Vetis dans les programmes CVG et PHC transforme progressivement le chantier : « On est passé de 40% de personnes très précaires dans nos effectifs à 80%. Avant CVG, notre taux de sortie positive était de 62%, il est maintenant autour de 40%. Nous avons aussi moins de sorties, car nous demandons plus d’extensions du pass IAE pour nos salariés qui en ont besoin. C’est pourquoi il faut poursuivre le travail entamé auprès de l’Etat pour faire reconnaître la plus-value de l’accompagnement global mené pendant le parcours en ACI, qui permet ensuite à la personne de vivre dans des conditions normales, que ce soit le volet du logement, de la santé mentale… »

Briser la chaîne
« insertion-chômage-insertion »

 

Comme pour les parcours PHC, un enjeu majeur des parcours des salariés CVG en chantier d’insertion est la sécurisation de la suite de leur parcours : vers l’emploi classique, la formation, ou tout autre débouché qui leur convient et les sort de la précarité.

« Nous travaillons pour briser la chaîne insertion-chômage-insertion. Mais cela reste aujourd’hui encore compliqué de travailler la suite des parcours. Pour les salarié.e.s, quitter le chantier c’est quitter leur zone de confort, après 2 ans avec nous. ». Fabienne Massenya note tout de même « de belles réussites. Le partenariat avec Kiabi a permis 3 signatures de CDI ». Le lien avec les entreprises, les organismes de formation et les SIAE reste la priorité des chargé.e.s de partenariat emploi des équipes Convergence sur les territoires, pour faciliter autant que possible la poursuite de la dynamique positive des personnes passées par le chantier d’insertion.