Guillaume Blanc, nouveau président de Convergence France
Posté par Grâce Belang 23 septembre 2024
L'édito du président
Guillaume Blanc, président de Convergence France depuis le 18 juin 2024
En juin dernier, après avoir pris le temps de discerner la proposition qui m’était faite, j’ai accepté de succéder à Jacques Desproges à la présidence de Convergence France.
En ces temps d’incertitudes qui voient notre société sombrer de plus en plus dans la peur qui aboutit au rejet de l’autre et finalement à la violence, je mesure combien est lourde la responsabilité qui m’incombe désormais et combien est nécessaire l’action de Convergence France.
L’association Convergence est née, il y a un peu plus de dix ans, de la conviction qu’il est inacceptable de laisser sur le seuil de notre société une partie de la population et que le travail peut être un formidable levier de remobilisation, de dynamisation et de socialisation. Depuis lors, avec différents acteurs du travail social nous permettons à des femmes et à des hommes qui vivent l’expérience de la grande exclusion de travailler en participant ainsi à une œuvre collective d’émancipation et de libération et de reprendre place dans une société qui s’ouvre petit à petit à nouveau à eux.
Plus que jamais je crois qu’il est de notre devoir de prendre le temps d’écouter les souffrances, même silencieuses, nées de cette compétition acharnée que produit notre société qui favorise les forts et laisse les faibles au bord du chemin.
Écouter les souffrances, accepter d’être démuni face à elles, ne jamais croire que ce temps de l’observation est terminé, et nous rassembler pour aller à la rencontre de toutes celles et tous ceux que nous ne voyons plus ou que nous ne voulons plus voir. Alors, peut-être pourrons-nous contribuer, à notre échelle, à ouvrir un chemin de convergences.
Ce chemin étroit que nous voulons emprunter suppose je crois que nous soyons conscients de nos faiblesses. Saisis par la souffrance de l’autre, révoltés face au rejet qu’il subit, nous ne devons jamais, céder aux paroles publiques, politiques ou médiatiques qui, par la violence de l’invective et de la désinformation, morcellent la société humaine et favorisent la lutte du chacun pour soi reléguant ainsi les plus faibles et nourrissant la peur du déclassement.
Dans sa préface à l’édition française de l’ouvrage de Hannah Arendt, Condition de l’homme moderne, Paul Ricœur écrivait en 1961 : « Le pouvoir existe quand les hommes agissent ensemble ; il s’évanouit dès qu’ils se dispersent. D’où la forte tentation de substituer la violence au pouvoir. »
Accède, il me semble, à la maturité et au pouvoir de l’action celui qui ne se préoccupe plus seulement de lui-même mais s’éprouve responsable de l’autre et de son bonheur. Nous ne pourrons pas prendre soin des plus faibles si nous ne travaillons pas aussi à la conversion des plus forts. C’est pourquoi, avec les programmes CVG et Premières Heures en Chantier, nous essayons de contribuer à une société où le dialogue remplace la compétition et l’outrance, pour faire le choix le plus fondamental : le choix de la vie.
Lorsque j’étais moi-même coordinateur de Convergence dans les Hauts de France, j’ai eu la chance d’être témoin des changements de regard que permet ce que nous mettons en œuvre. Accueillir une personne qui a fait l’expérience de la grande exclusion, c’est aussi contribuer à changer les cœurs. C’est permettre qu’elle ne soit plus vue comme un sans-abri ou un SDF dont on détourne le regard en la réduisant à sa condition de vie qui suscite la peur dans le cœur de l’autre, mais au contraire de lui permettre d’être une personne à part entière, avec son histoire singulière qui s’inscrit dans notre histoire collective.
Pour réussir cela, pour se retrouver soi-même, pour contribuer au combat contre l’individualisme qui ne produit que haine et repli sur soi, je crois que ce qui compte avant tout est de se laisser envahir par l’amour. L’amour qui change les cœurs, cette émotion forte qui nous pousse à sortir de nous pour nous porter vers l’autre. L’amour qui nourrit autant celui qui le reçoit que celui qui le transmet. L’amour qui passe par la rencontre de l’autre qui libère de la mort sociale et qui ouvre un chemin de vie.
Cet amour ne peut exister vraiment que s’il est relationnel. Gardons-nous de tout sentiment qui nous ferait croire que, seuls, nous pourrions réussir ce combat. Cette tentation de l’orgueil ne peut mener, je crois, qu’à la main mise sur celui ou celle qu’au départ nous voulions aider. Le combat contre la grande exclusion ne peut reposer sur une personne, aussi convaincante serait-elle à nos yeux, aussi juste nous semblerait sa bonté, nous empêchant de nous souvenir qu’il existe en chacun d’entre nous la capacité au plus grand bien comme au plus grand mal. Le combat contre la grande exclusion nécessite la mobilisation et le travail collectif, constamment soumis à une relecture, de tous ces travailleurs sociaux anonymes des maraudes, des centres d’hébergement, du secteur de la santé, des chantiers d’insertion… qui s’autorisent la folie et le scandale d’aimer en vérité les femmes et les hommes qu’ils rencontrent.
Voilà je crois l’objet premier du combat de Convergence France. Celui d’essayer de mettre en lumière et de permettre de s’exprimer collectivement ces marques d’amour qui sont comme des coquelicots poussant dans une vallée de cendres. Celui de montrer concrètement que nous pouvons, aujourd’hui, si nous nous laissons transformer, réussir cet immense défi de rassembler la communauté humaine.
Guillaume Blanc