La prise en compte de la santé dans les pratiques d’accompagnement
Posté par Grâce Belang 9 décembre 2024
Retrouvez ici la synthèse de la table ronde des JN animée par Anna Mourlaque, Coordinatrice du territoire Convergence Paris.
Le rétablissement en santé mentale dans l’accompagnement des personnes
Le rétablissement en santé mentale ne se réfère pas à une « guérison complète » ou à la disparition des symptômes, mais à un processus personnel et continu. Il s’agit pour la personne de reconstruire sa vie malgré la présence de troubles psychiques ou de difficultés chroniques. Ce concept, souvent traduit par « recovery » en anglais, met en avant des principes clés tels que :
• Non-linéarité : un cheminement avec des hauts et des bas.
• Culture positive de l’erreur : apprendre en prenant des risques.
• Auto-détermination : la capacité de décider pour soi-même.
• Responsabilité individuelle : être acteur de ses choix et de sa vie.
• Pouvoir d’agir (empowerment) : développer sa capacité à agir et à transmettre.
Né dans les années 70 dans le cadre des critiques des approches psychiatriques traditionnelles, le concept s’est institutionnalisé à partir des années 90, influençant les politiques publiques en santé mentale aux États-Unis et au Royaume-Uni, avant d’arriver en France dans les années 2000. En France, des initiatives comme la pair-aidance et l’entretien motivationnel, initialement destinés aux addictions, ont intégré cette approche pour promouvoir une posture centrée sur la personne.
Une transformation systémique dans les pratiques d’accompagnement
Le rétablissement nécessite un changement de paradigme dans l’accompagnement en santé mentale, pour ce qui concerne cette table ronde, mais peut également s’appliquer sur d’autres formes d’accompagnement. Dans le cadre des Ateliers et Chantiers d’Insertion (ACI), des formations dédiées, comme celles proposées par Alfa Psy, ont permis d’outiller les équipes à tous les niveaux (CIP, éducateurs, directions). Ces formations, combinant apprentissages théoriques et pratiques (Accompagnement Pratique Professionnel – APP), visent à renforcer des postures professionnelles adaptées.
Les participants ont rapporté plusieurs transformations majeures dans leurs pratiques :
• Prise de recul et posture réflexive : une volonté de sortir des approches classiques pour mieux s’adapter aux besoins des personnes accompagnées.
• Accompagnement centré sur la personne : valoriser ses priorités, ses rêves et son rythme, au-delà des « cases » institutionnelles.
• Approche systémique et non-jugeante : intégrer tous les acteurs pour éviter de faire reposer la responsabilité sur la personne seule.
• Écoute active, respect des choix, posture non directive : accompagner sans orinter, en respectant la capacité de décision de la personne (les bases de l’entretien motivationnel)
Témoignages des intervenants
o Besoin de mieux s’outiller pour gérer des situations complexes dans les ACI.
o Volonté de prendre du recul et d’analyser sa posture professionnelle.
o Besoin d’outils face à des situations complexes, notamment après des événements marquants comme le décès d’un salarié en dépression.
o Conviction que la santé mentale est une problématique transversale à toute l’équipe.
2. Transformations dans les pratiques :
o Adoption de pratiques inspirées de la réduction des risques (RdR) : écoute sans jugement, centrage sur les priorités des personnes.
o Redéfinition du rôle de l’accompagnement : passer d’un objectif de « lever tous les freins » à celui de prendre en compte les besoins et priorités des salariés.
o Changement radical de paradigme dans la posture d’accompagnement : interactions formelles et informelles influencées par la formation.
o Introduction d’une vision plus systémique et respectueuse des choix et priorités des salariés.
o Développement de pratiques participatives et collaboratives dans l’accompagnement.
o Révision des processus de suivi en impliquant davantage les salariés dans la définition des priorités.
o Mise en œuvre de séminaires participatifs pour renforcer l’implication et la confiance des salariés.
o Recours à des outils comme l’écoute active et la reformulation pour recentrer les accompagnements sur des besoins fondamentaux (exemple : prioriser la santé avant l’emploi, questions ouvertes non orientées…).
o Abandon d’une posture d’enquête ou de diagnostic systématique au profit d’une discussion ouverte sur les priorités et aspirations des personnes.
o Adoption d’une posture plus humble et réflexive, en laissant la personne accompagnée décider de son propre chemin.
o Importance de l’analyse des pratiques pour pérenniser les changements.
Les apports du rétablissement, notamment via la formation Alphapsy, ont permis aux intervenants de transformer leur posture, d’adopter une approche plus participative et respectueuse des priorités des salariés, tout en intégrant des outils concrets comme l’entretien motivationnel. Cependant, ces changements nécessitent du temps, de l’humilité et une capacité à dépasser les contraintes institutionnelles pour s’inscrire durablement dans les pratiques quotidiennes.