Entretien croisé : Alexandre Poivre et Belkacem Bouafia, directeurs de chantiers Convergence sur la MEL
Posté par convergence 9 novembre 2021
En octobre 2021, deux nouveaux chantiers nous ont rejoint sur le territoire de la Métropole Européenne de Lille. A Roubaix, 40 salariés de l’Association Roubaisienne d’Insertion (ARI) bénéficieront du programme Convergence. A la FCP, les 15 salariés du chantier Convergence, et 10 parcours Premières Heures sont prévus en 2021. Alexandre Poivre et Belkacem Bouafia, directeurs de ces deux chantiers respectivement, nous expliquent la raison de leur engagement dans le projet.
Dîtes-nous, comment devient-on directeur d’un chantier d’insertion ?
Belkacem : De mon côté je viens de la culture « prévention spécialisée ». J’ai été éducateur pendant une vingtaine d’années, avec de la coordination d’équipe et de la gestion de projet sur la fin. Quand je suis arrivé à la FCP, j’avais donc une double casquette : j’étais chef de service éducatif mais en plus j’étais chargé d’un pôle qui faisait ses débuts dans l’insertion. J’y ai découvert une culture de l’insertion plus inclusive par rapport à la prévention spécialisée. Je gère donc un pôle d’IAE depuis une dizaine d’années, mais sans perdre mon ADN prévention spécialisée.
Pouvez-vous nous présenter brièvement votre chantier et vos projets actuels ?
Alexandre : L’ARI comprend cinq chantiers : un chantier classique en bâtiment, un autre en espaces verts, un chantier d’animation en développement durable et un chantier en propreté urbaine. Depuis 2020, nous avons ouvert un dernier chantier recyclage jouets.
Sur notre actualité, nous travaillons, en lien avec la ville de Roubaix, sur un projet de ferme pédagogique en complémentarité avec « le Jardin de Chlorophylle ». L’enjeu derrière ce projet est, aussi, de développer un support pour mettre en place des actions autour de l’estime de soi, du bien-être et de la confiance en soi grâce aux animaux. Derrière le côté pédagogique, Il s’agira de renforcer les liens avec les habitants et par la même occasion pour les salariés en insertion, de se sentir acteur d’un beau projet vecteur de lien social.
Belkacem : Fondée en 1954, la FCP est historiquement la première association en prévention spécialisée dans le Nord. Elle a comme mission historique de s’occuper des jeunes en difficultés dans différents clubs de prévention créés sur le territoire. Dans les années 1980, en complément de la prévention a été créé un pôle formation avec divers ateliers. C’est à partir de ce pôle-là que s’est développé le pôle insertion de la FCP avec un chantier en bâtiment.
La FCP est très sensible à la question culturelle. On a un public qui a été lâché par l’école et les autres institutions, et la culture est vraiment le « parent pauvre ». Mais on croit que ça peut être un levier formidable à leur insertion alors c’est une thématique transversale et on a plein de projets là-dessus dans tous les services.
Quels sont vos enjeux principaux en termes d’accompagnement ?
Alexandre : Roubaix est l’un des territoires les plus pauvres de France. Nous avons donc un public très précaire qui cumule les difficultés dans différents domaines. Nos salariés ont quitté le système scolaire très tôt. 80% des salariés ont un niveau BEP/CAP ! On retrouve des personnes avec des parcours variés et des freins importants à lever comme sur le logement, la mobilité, parfois des problèmes d’addiction ou encore des difficultés psychologiques qui nécessitent d’adapter notre posture et de revoir nos modes d’accompagnement.
Belkacem : L’ADN de la FCP reste toujours la prévention spécialisée. C’est donc un aspect qu’on a conservé dans le pôle IAE, avec un public plutôt jeune et en grande difficulté. Ce sont des jeunes qui ne sont pas pris par les autres ACI à cause de freins administratifs, judiciaires, de logement ou encore de santé. Traditionnellement, ce sont les éducateurs de rue de la FCP qui vont marauder en bas des immeubles et amener les jeunes vers l’ACI. Ces dernières années, le recrutement s’est élargi avec des personnes orientées par d’autres organismes.
Comment en êtes-vous arrivés à rejoindre le programme Convergence ?
Alexandre : Arrivé en 2018 au chantier, j’ai tout de suite fait le constat du décalage entre les exigences de nos donneurs d’ordre vis-à-vis des ACI, et, en interne, une partie de nos publics qui se retrouvait en difficulté pour se maintenir sur nos chantiers à cause du rythme ou des exigences de certains chantiers. Quand j’ai entendu parler de Convergence, en 2020 via Claude Santini d’EOLE puis cet été avec l’essaimage à Lille, ça m’a tout de suite semblé évident. Une partie de nos bénéficiaires étaient ceux du programme et celui-ci répondait aux deux principaux problèmes de notre public : le logement et la santé.
Belkacem : Je ne veux pas casser du sucre sur les collègues, mais il y a une réalité aujourd’hui dans les ACI avec un écrémage vers le haut du public concerné. Les exigences sont de plus en plus hautes en termes de sorties positives et dynamiques. Nous, depuis toujours on accepte des jeunes qui n’auraient pas été pris ailleurs. Quand Guillaume m’a expliqué le programme, je lui ai dit : « c’est marrant de t’écouter, parce qu’en fait, t’es en train de parler de ce qu’on fait », grâce au soutien du Département. Convergence et Premières Heures étaient si près de nos préoccupations que forcément, ça a convergé ! Le comble c’est que dès 2018, on avait un ACI qui s’appelait « 1ère Marches », justement pour aller chercher les personnes les plus éloignées de l’emploi.
Quel est l’apport du programme Convergence dans votre chantier en particulier ?
Alexandre : En plus de l’accompagnement renforcé, le programme Convergence permet une vraie réflexion sur les pratiques. Les chargées de partenariat font une permanence une fois par semaine, et posent un regard différent sur ce qui fait notre quotidien. Et puis leur présence suscite des échanges, nous donne envie de mener des projets, comme par exemple sur le projet déposé auprès de l’ARS sur la santé. Quant à moi, je n’ai pas encore pu discuter avec les autres directeurs d’ACI mais j’ai vraiment hâte ! Hâte de pouvoir échanger avec les autres acteurs métropolitains qui ont des problématiques similaires aux nôtres.
Belkacem : C’est super de profiter de la ressource partenariale du réseau. Alors que notre seule CIP était un peu débordée, on peut maintenant s’appuyer sur des personnes ressources supplémentaires. Les chargées de partenariat viennent proposer des solutions dans des situations où on sèche un peu. C’est une vraie plus-value.