Adapter PHC à tous les territoires : Expérimentation PHC en milieu rural

Posté par Convergence France 26 avril 2024

Expérimentation de PHC en milieu rural

Adapter PHC à tous les territoires : Au coeur de notre philosophie

Convergence France est régulièrement sollicitée par des ACI en territoires ruraux pour mettre en œuvre le programme PHC. A son origine, PHC a été conçu pour répondre aux besoins d’un écosystème urbain en matière de lutte contre la grande exclusion, en s’appuyant sur un accompagnement concerté entre les acteurs de la veille sociale et le chantier d’insertion porteur de PHC.  

Au fur à mesure du déploiement du programme sur le territoire national, la nécessité de s’adapter aux spécificités des territoires est apparue évidente. Aujourd’hui, sur les 68 ACI portant un programme PHC, 4 sont situés en zone rurale.

Pour tenter de construire une solution adaptée à ces territoires, où le besoin d’accompagnement de personnes en grande exclusion est réel, Convergence France conduit en 2024 une expérimentation nommée « PHC en milieu rural » avec 6 ACI volontaires. Cette expérimentation a reçu le soutien de la DGCS et de la DGEFP.  

Des réalités territoriales qui viennent questionner les modalités de PHC "classique"

En 2022, 40 personnes ont été accompagnées sur le programme PHC dans 4 ACI en milieu rural : Jardin de Cocagne à Pahlers (Lozère), Le Relais pour l’Emploi (réseau Cocagne) à Retiers (Ille-et-Vilaine), le CIDIL à Souffrignac (Charente) et Jardin de Cocagne à Comminges (Haute Garonne). Leur retour d’expérience, ainsi que différents échanges avec des structures intéressées par PHC et situées en milieu rural ont permis d’identifier plusieurs limites au modèle communément proposé.

La taille modeste des ACI : moins de suites de parcours internes envisageables : Les ACI présents dans les territoires ruraux sont souvent des structures de taille réduite par rapport à celles en milieu urbain. Les 4 chantiers déjà porteurs de PHC situés en zone rurale disposent en moyenne de 15 ETP. Ce volume d’ETP conventionnés ne permet pas au chantier d’accueillir un nombre important des salariés PHC en suite de parcours sur les activités principales du chantier.

Tissu IAE peu étoffé : plus de difficultés à construire des suites de parcours hors du chantier : La réussite de PHC repose sur une dynamique partenariale.  Les partenaires de l’IAE contribuent principalement à la possibilité de proposer des suites de parcours par et vers l’emploi. Le manque de partenaires IAE suppose que l’ACI porteur de PHC doit assumer globalement seul l’offre de sortie vers un parcours d’insertion professionnelle.

Difficulté d’accès à l’ACI et problème de mobilité : un impact réel sur l’organisation de l’activité : Ces chantiers, souvent isolés des zones d’activité principales et des villes, sont peu ou pas desservis par les transports en commun. L’accès à l’ACI est donc particulièrement difficile pour des personnes sans permis ni moyen de locomotion.

Sur les chantiers PHC déjà actifs en milieu rural, l’éducateur socio-professionnel doit assurer le transport des salariés et se voit contraint de faire un circuit pour récupérer les personnes sur leur lieu d’hébergement et de vie. Cet impératif complexifie la gestion de l’activité travail notamment si cela implique des points de RDV élevés. Réduire le nombre de personnes présentes sur le programme limite le temps consacré au transport.

Le public : pas de situations de rue mais des parcours d’errance et des difficultés d’hébergement : Le public identifié sur les territoires ruraux ne correspond pas complétement à celui initialement visé par PHC. Il s’agit moins d’un public en situation de rue que d’un public ayant connu des parcours de rue et d’errance. Les personnes accompagnées sont souvent hébergées mais des difficultés liées à l’hébergement ou le logement persistent (logement insalubre, hébergements chez des tiers, caravanes ou autres habitats alternatifs, en CHRS, etc…). C’est un public particulièrement isolé, socialement mais aussi géographiquement, en lien avec les problèmes de mobilité mais aussi une offre d’accompagnement social peu étouffée.

La présence des publics en extrême précarité sur ces territoires est souvent complexe à quantifier. Mais les chantiers d’insertion avec qui nous communiquons, nous relatent que bon nombre de personnes n’ont pas accès à leur offre d’insertion par manque d’adaptabilité des modalités d’accueil.

Les orienteurs : moins d’acteurs de l’urgence sociale que de partenaires de l’action sociale : Les partenaires orienteurs diffèrent des partenaires habituels sur PHC. Sur les territoires ruraux, le public en grande exclusion est repéré et accompagné par les acteurs de l’action sociale (Centre Communal d’Action Sociale, Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale, Maison Départementale des Solidarités, Mission Locale, Pôle Emploi). Sur certains territoires isolés, l’accès à ce public se fait via les mairies, les voisins, les facteurs…

Diversité des ruralités : des enseignements à géométrie variable : Les premières observations sur les chantiers en territoire rural poussent à constater qu’il n’y a pas qu’une ruralité. Le tissu des acteurs, la typologie des personnes en extrême précarité différent d’un territoire à un autre, ce qui rend les enseignements et la capitalisation moins évidents que sur les autres territoires de déploiement.

Il parait nécessaire dans ce contexte d’accroitre la flexibilité du modèle pour s’aligner aux réalités bien différentes.

L’expérimentation engagée cette année : du sur-mesure pour permettre l’accueil sur le chantier des personnes en situation de grande exclusion

Les constats détaillés plus haut ont validé le besoin de tester un modèle adapté aux territoires moins denses. Cette année, Convergence France mène une expérimentation ponctuelle, financée par des fonds déjà prévus pour ce type d’actions dans le cadre des conventions liant Convergence France à la DGEFP et à la DGCS. 

Elle est menée dans des chantiers d’insertion situés sur des territoires où on ne trouve pas plus de 60 ETP en ACI accessibles à moins de 20min. Ils accompagnent des effectifs restreints de salariés, et ne bénéficient pas ou peu de partenaires de l’IAE à proximité. 6 chantiers d’insertion vont conduire cette expérimentation :  

  • SEI à St-Sauvant (86 – Nouvelle Aquitaine)
  • Cognac (16 – Nouvelle Aquitaine) – sur un territoire Convergence
  • Souffrignac (16 – Nouvelle Aquitaine) – sur un territoire Convergence et ayant déjà déployé PHC entre 2022 et 2024
  • Lamballe (22 – Bretagne)
  • Rognes (13 – PACA)
  • Le Pin (79 – Nouvelle Aquitaine)

Convergence France les accompagnera dans leur réflexion et dans la mise en œuvre du projet, pour assurer la fidélité aux principes fondamentaux de PHC tout en adaptant les modalités opérationnelles. 

L’objectif de l’expérimentation est de tester des modalités d’organisation adaptées à chaque ACI volontaire, en modulant l’organisation du projet dans la structure : 

  • Avec chaque ACI sera défini le nombre de personnes accompagnées sur l’année, en adéquation avec les possibilités d’accueil dans le cadre de la suite de parcours. L’objectif d’accueil devra s’adapter à la capacité de l’ACI à accueillir les salariés sans déséquilibrer le fonctionnement existant et à proposer un basculement vers l’activité classique en suite de parcours PHC.
  • Une réflexion commune sera également menée sur la définition du public accompagné, adaptée au territoire. La précarité résidentielle restera un critère principal d’entrée dans PHC, mais sa définition précise risque de varier en fonction des territoires.

En termes organisationnel dans les équipes de permanents des chantiers, un interlocuteur référent PHC en charge de suivre le projet devra être identifié. Il/elle sera accessible pour l’accompagnement socio-professionnel des salariés PHC. Ce référent ne sera pas nécessairement un éducateur socio-professionnel dédié, comme sur PHC « classique ». Il pourra s’agir d’une personne déjà présente dans la structure rendue disponible pour l’encadrement socioéducatif des salariés accueillis : il s’agit de trouver une organisation de l’équipe de l’ACI qui permette d’assurer un temps éducatif de qualité, sans pour autant créer un poste spécifique. L’organisation exacte devra être précisée dans chacun des ACI de l’expérimentation. 

Des groupes des travail seront menés avec les référents PHC des ACI participants, et une rencontre physique est prévue. 

Le témoignage de l'association SEI à St-Sauvant (86)

Echange avec Clément Devaux, coordinateur social au sein de SEI. 

Située dans le bourg de St-Sauvant, 1200 habitants, au sud-ouest de Poitiers, l’association SEI regroupe 3 SIAE : un ACI espaces verts & bâtiments, un ACI hôtellerie restauration, qui tient l’unique restaurant du village et un gîte à vocation touristique, et une EI conciergerie rurale qui rend des petits services aux habitants et entreprises du territoire. 

« Avec nos 2 ACI et notre EI, nous avons déjà 2 paliers successifs de retour vers l’emploi, ce qui est intéressant pour les suites de parcours. Avec PHC, on rajoute une marche supplémentaire avant le chantier. Nous avons déjà des personnes qui postulent, pour qui on fait le pari de les recruter sur le chantier, mais qui se trouvent très vite en échec, car le volume horaire proposé dans le chantier reste trop important pour ces personnes. C’est difficile pour tout le monde, salarié comme permanent. PHC vient vraiment répondre à un besoin du territoire. » 

« Parmi les difficultés rencontrées par les personnes en grande précarité sur le territoire, on retrouve le logement, la santé, les addictions, et la mobilité.

« Sur la thématique du logement, il y a peu de situations de rue comme en milieu urbain, mais on retrouve des situations d’habitat insalubre, indigne, de précarité énergétique majeure qui fait que les gens doivent choisir entre payer le loyer et payer l’électricité. Il peut aussi y avoir des abris de fortune, des caravanes, des personnes qui dorment dans leur voiture. Nous avons aussi un public jeune (50% de notre effectif a moins de 30ans), qui sont confrontés à des problèmes d’accès au logement autonome, car il y a peu d’offre de logement de petite surface, adaptés à des personnes seules ou des couples. Cela crée des situations de tensions familiales fortes, avec des situations fragiles qui peuvent rompre d’un jour à l’autre.

C’est pourquoi SEI porte un projet de réhabilitation d’une maison dans le bourg de St-Sauvant pour en faire du logement d’insertion. On compte y rénover 5 à 6 logements d’ici quelques années, le projet étant encore au stade de l’ingénierie. » 

« Le sujet de la mobilité est omniprésent pour tous nos publics, car il n’y a aucun transport en commun sur notre territoire, très peu d’infrastructures adaptées aux mobilités douces. Que ce soit sur l’accès aux soins ou aux services, tout est loin : l’agence Pôle Emploi la plus proche est à 45min de voiture, comme la plupart des administrations. Nous avons pour cela mis en œuvre un service de location de 15 véhicules (scooters, voitures, voitures sans permis), et un partenariat avec une auto-école sociale qui vient de Poitiers donner des cours de codes. 

 « En termes de maillage partenarial, nous sommes sur un territoire très rural, et très enclavé. A part une ferme Emmaüs récemment ouverte à 5km, qui accueille des détenus en fin de peine, nous sommes la seule SIAE des kilomètres. Il y a peu de structures du social, pas de dispositif hébergement classique, à part une maison relai à Lusignan (15min de voiture). Nos partenaires sont donc peu nombreux, mais l’avantage c’est que nous avons donc des liens très forts avec eux. Nous travaillons beaucoup avec les travailleurs sociaux de secteur, le SIAO. 

« Pour PHC, en lien avec Convergence France, nous avons décidé de commencer par 2 à 3 personnes accompagnées, car il y a un enjeu fort à pouvoir les intégrer au sein du chantier du fait de l’absence d’autre SIAE aux alentours. L’idée est de le faire débuter à 4h ensemble pour créer une dynamique de groupe, et pouvoir les faire progresser ensemble. Ils disposeront de leur espace, leur matériel. On travaillera le lien avec les autres équipes lors de la montée en heures.  

« L’activité proposée pour PHC sera la création d’un jardin potager sur le terrain du bâtiment qui sera rénové pour être réhabilité en logement d’insertion. La production contribuera à l’approvisionnement du restaurant d’insertion. Nous avons également des pistes futures pour la mise en place d’un verger conservatoire pour le poirion, une variété locale de poire qui fait partie du patrimoine du territoire. 

« En termes d’encadrement et d’intégration de cette nouvelle équipe dans le chantier, en tant que coordinateur social, je serai mobilisé, ainsi que l’ASP du chantier, et l’ETI espaces verts pour la partie production. On devrait démarrer mi-mai. Nous avons déjà des profils pressentis, qui ont un profil jeune et une problématique de logement. Des entretiens tripartites avec le référent social auront lieu pour confirmer leur entrée dans PHC. 

« On voit que ce projet permet déjà de renforcer le lien entre les équipes des permanents, et il embarque également les bénévoles de l’association, qui ont très envie de s’impliquer et ont des idées de projets connexes à PHC. On voit également que c’est un projet qui fédère les partenaires, certains d’entre eux veulent nous donner un coup de main et venir jardiner avec nous ! » 

L’expérimentation PHC en milieu rural sera suivie en lien avec le Comité Scientifique de Convergence France. Par ailleurs, une mission d’évaluation-capitalisation sera réalisée en 10 mois à compter de juillet 2024, pour permettre d’évaluer la pertinence des adaptations proposées et de comparer les différentes solutions mises en œuvre.