Adaptons-nous au contexte
Posté par Grâce Belang 16 octobre 2025
Animée par Alice Vallereau, cheffe de projet Convergence France, cette table ronde a réuni :
- Nathalie Latour, Directrice générale de la FAS
- Tarek Daher, Délégué général d’Emmaüs France
- Florian Guyot, Directeur général d’Aurore et auteur du livre « La Fabrique des précarités – A-t-on abandonné la solidarité? »

Un contexte plus difficile pour les associations
Les intervenant.es ont rappelé que plusieurs lois récentes comme la loi Plein emploi, la loi Immigration ou la loi Kasbarian-Bergé, ont durci les conditions d’accompagnement des personnes précaires.
Pour la FAS, la loi Plein emploi illustre bien cette tendance : elle promettait plus d’accompagnement, mais c’est surtout le volet sanctions qui a été appliqué.
Les associations font aussi face à une forme de méfiance institutionnelle. Le lancement d’un Observatoire des libertés associatives montre que de plus en plus de structures voient leurs projets limités ou leurs subventions réduites.
Chez Emmaüs, plusieurs situations inédites ont été évoquées : des projets refusés par les préfectures, des contrôles visant des compagnons sans papiers, des collectes impossibles à organiser faute de débouchés.
Florian Guyot a ajouté que la société tend à stigmatiser davantage les personnes précaires, en les rendant responsables de leur situation. Ce changement de regard pèse sur les associations, souvent perçues comme des problèmes plutôt que comme des solutions.
S’organiser collectivement pour faire face
Face à cette situation, les associations cherchent à s’organiser et à agir ensemble.
La FAS a lancé un plan de vigilance pour mieux repérer les dérives administratives et renforcer la coopération entre structures. Le recours au droit devient un levier de plus en plus utilisé, comme pour les actions collectives autour du DALO ou de la loi immigration.
Tarek Daher a rejoint la FAS sur la nécessité d’une mobilisation collective, essentielle pour faire face au contexte actuel. Il a rappelé plusieurs actions concrètes menées par Emmaüs, illustrant la capacité du mouvement à s’organiser et à résister collectivement.
Ainsi, une mobilisation locale a permis d’annuler une décision préfectorale qui exigeait que des mères d’enfants de plus de 3 ans quittent leur hébergement. Emmaüs a également porté un recours contentieux contre le rejet du projet de communauté agricole de Tarnac, initialement refusé au motif d’un prétendu non-respect des valeurs républicaines.
Le mouvement a par ailleurs mis en place des fonds mutualisés pour aider les associations à financer leurs recours juridiques et renforcer leur capacité d’action face aux décisions injustes.
Cette dynamique s’inscrit dans la démarche « Emmaüs en lutte », un regroupement des groupes locaux autour d’une réflexion sur les conséquences d’une possible arrivée de l’extrême droite au pouvoir. Un travail collectif de cartographie des textes juridiques structurant la vie associative a permis d’identifier plusieurs points de fragilité majeurs :
Le contrat d’engagement républicain, obligatoire pour obtenir des subventions ou agréments, peut être modifié par simple décret, sans passage devant le Parlement.
Cette situation ouvre la possibilité qu’un futur gouvernement restreigne la liberté d’action associative, voire sanctionne des structures pour des motifs idéologiques.
En réponse, Emmaüs explore la création d’un “fonds extrême droite”, destiné à soutenir financièrement les associations locales en cas de bascule politique.
Les intervenants ont aussi souligné le risque pour les associations que représente le contrat d’engagement républicain, obligatoire pour toucher des financements publics et modifiable simplement par décret, donc directement à la main de l’exécutif. Ce texte pourrait être utilisé pour restreindre l’action associative.
Malgré tout, la mobilisation reste importante, et le bénévolat continue de montrer que la solidarité locale existe encore.
Rendre visible, prévenir et agir en amont
Pour Florian Guyot, il faut rendre visibles les réalités vécues par les personnes précaires. Cela passe par des observatoires, des enquêtes ou des publications communes entre associations.
Il a aussi insisté sur la prévention : repenser l’accueil des jeunes, adapter les villes pour qu’elles soient plus inclusives, et anticiper les besoins sociaux dans les politiques locales.
Il a enfin rappelé la nécessité de clarifier les rôles entre l’État et les collectivités, souvent sources de blocages, et d’évaluer les politiques sociales avant leur mise en œuvre pour éviter les effets négatifs.
Le rôle des programmes Convergence
La table ronde s’est terminée sur l’exemple des programmes PHC et CVG.
Pour Nathalie Latour, ces programmes montrent qu’il est possible d’adapter l’accompagnement aux besoins réels des personnes plutôt que de se limiter à leur “employabilité”. Ils favorisent aussi une approche entre emploi et logement.
Tarek Daher a rappelé que ces dispositifs sont nés du terrain, pensés par les structures locales, et qu’ils inspirent aujourd’hui d’autres acteurs de l’insertion.
Florian Guyot a partagé l’exemple des Grands Voisins, où des personnes en situation de grande précarité ont travaillé sur la maintenance des lieux. Cette expérience a permis de changer le regard sur ces publics et de redonner confiance aux participants.
Cette table ronde a montré que les associations doivent s’adapter à un environnement plus contraint, tout en continuant à défendre leurs valeurs et à innover localement.
Agir ensemble, rendre visible la réalité du terrain et s’appuyer sur les expériences comme Convergence sont autant de leviers pour continuer à avancer malgré les difficultés.