Portrait du mois : André Droschel, éducateur PHC au CMSEA à Metz

Posté par convergence 7 novembre 2023

Portrait

André Droschel, éducateur PHC au CMSEA à Metz : Accompagner vers un Nouveau Départ

Ce mois-ci, nous mettons en lumière le programme PHC porté depuis mars 2023 par le CMSEA, association dont le pôle insertion porte un chantier d’insertion implanté sur le territoire de Metz, en Moselle. André Droschel est l’éducateur socio-professionnel qui accompagne les personnes en parcours dans PHC.

Moniteur technique de formation, passé par une VAE pour devenir Educateur technique spécialisé, André Droschel rejoint PHC dès son lancement, après 8 ans de travail en ESAT. Ce projet en construction lui offre une autonomie et liberté d’organisation dans son activité, et André souligne que ce qui lui plaît dans PHC, c’est avant tout le côté humain du programme, « C’est un programme où on laisse les gens vivre, s’intégrer. On les accompagne, mais on ne fait pas à leur place, on les amène à faire des choses, à se remettre en mouvement. »

Qui sont les personnes accompagnées ?

A l’heure actuelle, André accompagne 7 personnes. « J’accueille des personnes à la rue, qui dorment dans des cabanons, des caves, des garages, des parkings. » Au début du programme, André et le CMSEA ont fait une « tournée des popotes » pour identifier les orienteurs qui ont bonne connaissance de ce public et qui sont en mesure de réaliser le suivi social de la personne une fois qu’elle est en parcours avec PHC. Il travaille donc avec les maraudes, ainsi que l’UDAF, un acteur clé de l’hébergement d’urgence sur le territoire messin. Le programme étant en place depuis presque un an maintenant, le bouche à oreille fonctionne également très bien grâce aux salariés passés par PHC ou encore en parcours, note André. La fragilité du public accueilli – la majorité des personnes en parcours PHC sont par exemple en situation d’addiction – entraîne parfois des abandons de parcours. André défend le droit au recommencement avec PHC « Je laisse toujours le choix aux gens. Si une personne souhaite revenir, mais que l’addiction est toujours un frein bloquant pour qu’elle puisse reprendre une activité, on mettra dans la balance le besoin d’une cure. J’aurais toujours une discussion avec la personne. »

 

« Qu’est-ce que tu as fait de ta première chance ? Qu’est-ce que tu souhaites refaire différemment ? »

L’appréciation de la réussite d’un parcours est à la mesure des difficultés rencontrées par les personnes accueillies sur le programme. « Pour moi, la réussite c’est les voir revenir sur le chantier, savoir téléphoner quand ils ne peuvent pas venir travailler, les voir progressivement reprendre des horaires de travail, un cadre, qui montrent qu’ils sont impliqués dans leur travail. » Sur le chantier, André explique qu’un espace détente dédié aux salariés PHC leur est accessible, mais « ils ne l’utilisent jamais ! Ils sont motivés par le travail ».

 

« S’adapter fait partie de PHC »

André dispose de plusieurs supports d’activité pour les salariés qu’il accompagne. Si à l’origine du projet du CMSEA, l’activité ciblée était celle du nettoyage de véhicules sans eau, il a fallu réadapter face à la réalité : « ce support d’activité s’est révélé très voire trop physique pour les personnes en début de parcours PHC, ça a été un apprentissage des premiers mois. » Désormais, les salariés commencent leur parcours par de l’entretien d’espaces verts et de voirie, et peuvent lors de leur montée en heure passer sur l’activité de nettoyage de véhicules. « L’activité est valorisante, car les salariés ont un retour sur leur travail ». Quand il fait froid, des petits travaux ainsi que du nettoyage en intérieur sont possibles. Les activités sont beaucoup réalisées en interne au CMSEA, mais André recherche également des clients extérieurs quand les missions sont adaptées à son équipe, car la relation client/prestataire est très valorisante et permet de sortir de l’étiquette de personne « accompagnée ».

 

L’adaptation aux salariés accompagnés réside également dans le travail des suites de parcours des personnes. André accompagne par exemple une personne qui a vécu 30 ans dans la rue, et qui est aujourd’hui à 20h hebdomadaire d’activité avec PHC. L’objectif travaillé par André et sa direction est d’identifier une suite de parcours adaptée. L’emploi en CDDI classique ne sera pas réalisable, le chantier cherche donc un client pour faire des petits travaux de voirie. Une autre personne accompagnée est sortie en parcours de soin. L’objectif pour les prochains mois est d’accueillir de nouvelles personnes sur le programme.


Individualisation des parcours et création d’un collectif : les clés de réussite

La spécificité de rôle d’éducateur socioprofessionnel de PHC, c’est le co-travail : « je suis tout le temps avec les salariés. Quand ils arrivent et sont à 4h de travail hebdomadaires, je suis en binôme avec la personne, pour nouer la relation de confiance. » Cette présence forte permet à André d’apprendre à connaître chacun des salariés, et de pouvoir ainsi proposer des objectifs du parcours et la montée en heures proposées selon les profils, « L’individualisation, c’est le plus important pour que ça avance. »  Au fur et à mesure du parcours, les salariés se responsabilisent. André est présent pour observer leur progression, et réajuster les exigences si besoin.

Autre avantage de cette grande proximité avec les salariés : elle permet de constituer des équipes de travail équilibrées au niveau des caractères, qui vont ouvrir la voie à l’émergence d’un vrai esprit collectif. « Quand on fait attention au groupe, on peut équilibrer les caractères, des complicités se créent, ils se cherchent, quand ça commence à prendre, des pistes s’ouvrent. Ils disent bonjour aux collègues, le lien se fait aussi progressivement avec les autres équipes du chantier. Quand l’un commence à s’inquiéter pour l’autre, on a gagné quelque chose ! »


Accès au logement et démarches administratives sur le territoire, des freins à la stabilisation des personnes

Si l’activité sur le chantier peut beaucoup pour la remobilisation des personnes, encore faut-il pouvoir y accéder. Les démarches administratives nécessaires à l’obtention d’une pièce d’identité, nécessaire pour signer un contrat de travail, peuvent être des procédures extrêmement longues et démobilisantes « 4 mois et demi pour obtenir une carte d’identité ! Et pendant tout ce temps on ne peut pas accueillir la personne sur le chantier. Mais on peut perdre des gens à cause de ça. » 

Le constat est similaire sur le sujet de l’hébergement/logement, frein majeur sur lequel l’éducateur, ainsi que le référent social qui cherche une mise à l’abri durable, sont tributaires des ressources disponibles sur le territoire. Sur un territoire très tendu du point de vue des logements disponibles et de l’offre d’hébergement, les solutions peuvent être longues à venir, ce qui fragilise les parcours. André a ainsi vu deux personnes abandonner PHC suite au manque de solutions identifiées sur le logement, malgré leur engagement sur l’activité « au bout d’un moment, le logement ne vient pas, et ils se lassent ». A l’approche de l’hiver, cette question devient de plus en plus pressante pour les personnes en parcours.

 

 

Pour finir, c’est quoi être un bon éducateur PHC selon André ?

 « Savoir se remettre en question, toujours réfléchir à ce qu’on pourrait adapter et pourquoi, respecter les personnes,
rester dans une posture de conseil et pas d’ordre, toujours dans le dialogue, car quand il est rompu on peut plus rien faire. »