[Journée nationale] Table ronde « L’adaptation du travail à la personne : une clé pour l’insertion à toutes les étapes du parcours »
Posté par convergence 12 octobre 2022
Retour sur une des tables rondes de notre Journée nationale « Le travail, levier contre la grande exclusion : (Re)mobilisons-nous ! » qui s’est tenue le 21 septembre dernier à Lille.
Cyril Dupouy et Pauline Kerguignas, chefs de projet à Convergence France, ont animé l’une des cinq tables-rondes thématiques de l’après-midi sur la thématique « L’adaptation du travail à la personne : une clé pour l’insertion à toutes les étapes du parcours ». Quatre intervenants ont témoigné de leur expérience :
- Stéphane Coudret, Directeur de l’Association Régie Urbaine (porteur des programmes Convergence et Premières Heures, et de la coordination territoriale en Charente)
- Kévin Larche, Educateur socio-professionnel à l’Association de préfiguration de la Régie de Territoire du Bassin de Brive (chantier porteur de Premières Heures)
- Nathalie Ourry, Directrice de Rejoué (chantier porteur de Convergence à Paris et dans le Val-de-Marne)
- Gabriel Malloreau, encadrant technique du Food-truck « Ch’Ti Talents » de Magdala (chantier porteur du programme Convergence à Lille)
Comment adapter le travail à la personne (quels impact sur l’activité opérationnelle) ?
Gabriel Malloreau : La première adaptation que l’on demande à ces personnes, c’est l’adaptation des personnes à nous. Il faut permettre au mieux que la personne ait l’esprit libre et qu’elle se mobilise pour travailler dans les meilleures conditions. J’adapte régulièrement les plannings pour aussi montrer que travailler toutes ces problématiques/freins sont la clé pour une réussite professionnelle. Nous avons pensé le projet, l’organisation avec les personnes en insertion. Cela conduit à une appropriation de leur espace de travail.
Nous avons dû également simplifier les gestes, adapter le planning pour qu’il soit en cohérence avec les difficultés que rencontrent les salariés dans leur quotidien (ex : logement, santé, emploi…). L’objectif est de créer une ambiance de travail qui conduit à travailler avec plaisir.
Kévin Larche : Sur Premières Heures, nous proposons emploi du temps individualisé, progressif pour pouvoir accueillir ces salariés. Nous leur proposons un travail de réflexion autour du projet (axe d’amélioration, ce qui fonctionne ou non, …). Le fait de travailler ensemble, partager la même sueur conduit à créer une relation de confiance et de considération mutuelle.
Nous passons du temps avec eux et nous observons. Nous prenons en compte leurs demandes. Nous adaptons les outils de travail pour sécuriser l’activité et pour progressivement leur faire acquérir des compétences et nous amenons les personnes à se responsabiliser et organiser l’activité pour provoquer le « pouvoir d’agir ».
« Ce qui m’a aidé à avancer c’est la responsabilisation des missions que j’ai eues [sur la gestion de ses addictions] », intervention d’un salarié en insertion.
Qu’est ce que cela impacte dans l’organisation des projets ?
Nathalie Ourry : L’adaptation doit s’imaginer en amont du projet pour permettre à tous d’intégrer un chantier d’insertion. Nous avons organisé les horaires de travail et les jours travaillés pour permettre aux parents d’accéder aux chantiers. Le mercredi n’est travaillé que progressivement, des horaires légèrement décalés sont proposés lors des passages en boutique après avoir travaillé les modes de garde pour permettre d’être au plus près de la réalité du marché du travail. L’ergonomie des postes de travail a été travaillée afin de limiter au maximum le port de charge, de permettre aux salariés ne pouvant pas tenir dans la durée la position assise ou debout de travailler au sein de l’atelier.
L’ACI doit s’adapter à son public mais également lui apporter un cadre pour le rapprocher du secteur classique. Savoir s’adapter à son public en s’appuyant sur les autres chantiers Convergence pour donner un nouveau départ passe par créer des passerelles entre chantiers.
Stéphane Coudret : Il est nécessaire d’enlever la notion de productivité mais pas celle de la production. Il est à la charge de la structure de s’organiser pour pallier les manques si les activités ne sont pas faites en temps et en heure. Il faut conduire le changement, d’impliquer les équipes et de mobiliser les Encadrant Technique d’Insertion volontaires.
Pour accueillir un public en grande précarité, il est nécessaire d’adapter les modalités de travail et d’accompagnement aux personnes les plus éloignées. La nouvelle fonction d’éducateur socio-professionnel a apporté de nouvelles manières de faire inexistante au sein de l’ARU. Parmi les nouvelles modalités d’interventions : réunions de synthèse (issues du travail social). Cela a un impact sur le travail en équipe et sur la relation avec les partenaires.
Nous sortons de la gestion de l’hébergement d’urgence sans perspective. Il est indispensable de communiquer avec les partenaires de l’action sociale et les élus. Nous devons conduire au changement total et radical de regard sur le public. Les salariés en insertion ne sont plus seulement sans abris.
En conclusion, par Cyril Dupouy
Au travers de l’expérience et des réflexions de nos témoins, nous pouvons affirmer que l’adaptation du travail à la personne est nécessaire si nous souhaitons accueillir les plus vulnérables. Bien au-delà de l’adaptation opérationnelle, l’adaptation passe par un changement profond au sein des structures. Ce changement de paradigme a un impact sur le travail d’équipe, sur le travail de partenariat, sur l’accompagnement des personnes, et aussi sur les représentations que nous aurions pu avoir du public de rue.
Malgré l’ajustement et les évolutions réglementaires présentées, certaines personnes se retrouvent en sortie d’un parcours IAE sans solution. Des partenariats avec des entreprises comme Keolis ou Franprix montrent comment une entreprise classique peut également s’adapter pour accueillir dans une démarche inclusive une personne en suite de parcours.
De gauche à droite : Kévin Larche, Gabriel Malloreau, Nathalie Ourry, Stéphane Coudret